Crucifixion, les mots et les images qui dérangent

    

Crucifixion, les mots et les images qui dérangent

Pourquoi édulcorer nos crucifix ? Comment alors comprendre la douleur de Marie, le glaive qui la transperça ? Comment saisir le don de Jésus dans le martyr de la Croix en représentant un homme à peine blessé, tout juste souffrant suspendu au bois de son gibet ?

Pire, comment prendre conscience de la  laideur de nos péchés sans oser montrer le corps déchiqueté, exsangue de Jésus, son visage tuméfié, défiguré ?  C’est nous qui sommes responsables de cette horreur… Trop souvent quand nous invoquons la Passion de notre Seigneur, notre imagination nous porte  vers un Christ souffreteux car nous n’osons nous reconnaitre véritablement  dans le pécheur responsable du chemin de Son Calvaire! Nous nous voilons la face alors que notre péché même dégouline des plaies innombrables de notre Sauveur. C’est justement par « Passion » pour nous qu’Il agonise sous le poids de nos innommables  laideurs…  les péchés nous rendent laids, affreux à voir… et trop souvent il nous en coûte de lever la tête vers la Véritable Croix de Jésus car elle a un effet miroir insoutenable à notre  regard… regard personnel qui ne veut se reconnaitre coupable de la Passion de Celui qui est condamné par pur amour pour nous-mêmes !

De l’abomination de la Croix à l’abomination de nos péchés, il n’y a rien qui  les sépare. Les deux ne font qu’un. Sans notre péché, il n’y a pas de Croix. Qui dit Croix dit péché, qui dit péché dit Croix ! C’est l’Amour  inconditionnel de Jésus pour nous qui lie les deux. La Croix épouse pleinement  nos péchés pour nous en délier totalement. Jésus absorbe tout dans l’horreur de sa Passion Sanglante. Le corps broyé, méconnaissable, souffrant à l’extrême, les angoisses de Jésus, sa douleur insupportable … c’est nous et seulement nous qui en sommes la cause. 

La Croix de Jésus ne devrait représenter  qu’un Christ insoutenable à regarder pour que nous soyons davantage sensibilisés à la compréhension de ce Don inimaginable et fou que Seul un Dieu passionné d’amour pour sa création pouvait réaliser ! Nos jolies petites croix décoratives ne nous enseignent rien du mystère de la Croix,  rien de la douleur de Marie. Certes,  elles nous rappellent que la Croix augure de la Résurrection de Jésus notre Sauveur et qu’elle est victorieuse …. Mais sans tomber dans le dolorisme exagéré, ne faut-il pas davantage faire mémoire qu’avant toute rémission des péchés, il y a une totale contrition de ceux-ci, la Croix en Vérité, sans tabou, dans toute sa cruauté est là pour nous y sensibiliser.

Il est tellement facile de nous savoir sauvés, miséricordiés, rachetés que parfois nous risquons d’en oublier notre état de pécheur. Oui, nous sommes sauvés, mais à quel prix ? Le sang de Jésus n’a pas jailli en toute part de son corps sans lui arracher une souffrance des entrailles de sa nature, certes divine,  mais pleinement «  humanisée », vraie chair broyée et vrai corps martyrisé !

A la contemplation de la Croix, de Jésus supplicié, beaucoup d’hommes et de femmes, dont de grands saints, saisis par la folie de cet amour,  l’ont été au point de vouloir eux aussi  donner leur vie pour le Christ. Sans ajouter de la douleur à la douleur, sans désirer davantage ce que Dieu nous donne à supporter chaque jour selon nos possibilités, ayons le courage de fixer nos yeux sur la Croix pour comprendre plus profondément le don inestimable de Jésus, et reconnaître que,  par nos misérables péchés,  nous continuons d’alimenter le flot de sang qui coule des plaies du Christ… Seule la grâce du sacrement de la Confession, source inépuisable de la Miséricorde jaillie du Cœur transpercé de Jésus,  peut transformer notre âme pécheresse en  âme sauvée !  Et par cette grâce de miséricorde, indispensable à notre conversion,  nous faire saisir le don insensé de cet amour crucifié!

Geneviève(vie-ève)